Quand on considère l’actualité,
ou même l’Histoire, les croyances des uns et des autres constituent souvent ce
qui les divise. Croyances fondées, légitimes, ou prétextes, elles motivent
nombres d’élans précipitant des hommes contre d’autres hommes. Pour mieux
comprendre ce qu’est une croyance je vous propose, chers lecteurs, de procéder
à une expérience. Imaginons ce qui se passe face à une porte close, sans savoir
ce qui se déroule au de là. Car quand on ne sait rien de ce qui est caché, on
imagine, on suppose, on s’abandonne à des spéculations, à des images. On se met
à croire, pour satisfaire le besoin impérieux de se représenter la réalité,
même quand elle nous est inconnue, et inaccessible. Quoi de plus stimulant pour
la croyance, que ce qui est occulté par un passage clos.
Cette porte fermée sur le futur, sur une éventualité, est une limite, un seuil
marquant l’absence de savoir, de
connaissance, ici commence l’inconnu. Dans la vie les portes closes sont
foison, et les occasions de croire à ce qu’elles pourraient dissimuler sont
pléthores. Les croyances sont par
conséquent quotidiennes, régulières, ancrées en nous comme un reflexe, un
instinct. Oui pour le singe à la fourrure réduite qu’est l’homme, croire est
instinctif, fonctionnel même. Nous sommes nus face à l’incertitude, et tout
riquiqui quand le vertige nous étreint, au simple constat de notre
insignifiance face à un Univers si vaste, que nous ne saurions le comprendre.
Alors une porte fermée peut faire peur, voire terrifier.
-
Qui va l’ouvrir cette porte ?
-
Toi ? Ben va-s-y ! Mais non n’aie pas
peur…
-
Moi ? Ok je me lance… Doucement. Cette
porte elle débouche sur quoi ?
-
Tu ne sais pas ? Ben moi non plus ! Qu’est
ce que tu crois qu’il y a derrière ?
-
Je sais pas
mais réfléchis, elle est peut-être piégée… Comment çà qu’est ce que je
crois ?
Croire ou ne pas croire, telle
est peut-être la question… Il est évident que les croyances sont parties
prenantes de la notion d’humanité. Plus le singe se dépoile et plus il croit,
d’ailleurs çà se termine par des mythes, du genre un homme et sa femme, à poil,
exproprié par leur créateur, pour avoir voulu savoir ce qu’il y avait de
l’autre côté de la porte… « Tu veux savoir, et bien tu vas comprendre ce
que çà veut dire que de vivre une vie qui ressemble à un champs de mines ;
crois moi petit homme, chaque fois que tu poseras le pied par terre, tu te
demanderas si çà ne va pas péter ». A cet instant précis, Adam, car c’est
de lui dont il s’agit, et bien Adam se met à s’inquiéter pour un tas de choses,
et pour commencer : « dis chérie tu CROIS qu’on va manger ce
soir ? »
Je crois, credo en latin est issu d’une étymologie archaïque cred-dare ou
« donner son cœur ». Je te crois, je te donne mon cœur, je m’abandonne
à ce que tu me dis, je te donne tout, peut-être même ma vie… Le cœur pour les
anciens était le siège de la pensée, de la conscience, de la raison. Je te
donne ma conscience donc, se faisant je perdrais ma raison ? Pas toujours…
A y réfléchir, si croire consiste à se raconter une histoire sur quelque chose
qu’on ne voit pas, qu’on ne tient pas, ou un lieu qu’on n’a pas encore atteint,
un événement qui ne s’est pas encore produit, alors croire permet de voyager
dans le temps et dans l’espace, en fait, c’est de la science fiction tournée au
fond de son petit cabochon. On se
projette donc, quand rien n’est concret, on fait de l’abstrait, on balance du
concept. Dans l’histoire de notre espèce, cela a commencé assez tôt.
Voyez plutôt cette bestiole quadrumane,
pendue à sa branche, guettant cette splendide banane auréolée de verdure, mais,
située un peu loin… Et la bestiole qui est là, hésitante, roulant ses yeux au
milieu d’une face mangée par le doute : « j’y vais, j’y vais pas… Je
vais me casser la gueule… Cette banane là, je crois que je vais me la goinfrer
quand même… » Le primate se projette, avant de sauter pour de bon. Le saut
virtuel dans sa petite tête de wistiti, nourrit quelques inquiétudes, le fruit
est là à portée de main, mais le sol est bas, il y a bien quelques calculs d’ingénierie
sur la trajectoire à adopter, et au final, avant de décider on fait du
management du risque, on se calcule sa probabilité de tomber ou pas, on fait un
pari !
Et voilà comment passer d’un
ancêtre vénérable, qui ne saurait même pas se tenir à table, à Blaise Pascal et
son fameux pari… Certains ont dit de l’homme, qu’il était une machine, mais une
machine biologique tombée de l’arbre ; le cerveau en serait l’ordinateur
donc… Que fait un ordinateur ? Çà calcule, çà empile des formules, çà ouvre
et ferme des portes débouchant sur des oui et des non, chacun menant à des
chemins formant des arborescences, un arbre des possibles… L’esprit humain
passe son temps à évaluer des probabilités, des prises de risques, le cerveau
est un casino, une bourse avec ses hausses et ses baisses… On passe notre
existence à parier, à jouer notre vie en cherchant à minimiser les revers.
Pascal, spécialiste des calculs probabilistes, propose non pas une
démonstration de l’existence de Dieu, mais du bénéfice de croire en Dieu, et ce,
d’un point de vue mathématique, mais sous un angle de book maker. En somme, Pascal
nous donne un tuyau, misez tout sur la croyance en Dieu et son paradis, vous
n’aurez rien à perdre ; alors que l’incroyant n’aura rien à gagner, et ira
en enfer si Dieu existe.
Le brillant philosophe avait bien
compris qu’un chemin de vie s’inscrit dans une matrice de possibilités, un
univers de choix, figurant autant de connections entre une infinité de destins
à vivre. Avant chacune de ces connections, avant chaque choix règne
l’incertitude. Pascal rationalise le choix de croire, il apaise la crainte que
génère l’inconnu, en lui opposant une réflexion, en prouvant que la raison peut
mener à la foi. Pascal prône simplement l’usage de la raison en toute chose,
parce qu’il sait bien, que l’homme est prisonnier de sa condition animale parce
qu’il a peur.
De l’incertitude nait la
croyance, cette dernière précédant la certitude. Pour être plus exact la
croyance est le fruit d’un questionnement, face à l’incertitude. Ne pas savoir
est insupportable. Animal social, l’humain doit être au courant de ce qui se
passe pour les autres et lui-même…
Revenons à notre bestiole dans son arbre, convoitant la banane que lui tend
l’arbre d’en face. Et bien la bestiole n’est pas seule, elle discute avec les
autres bestioles comme elle.
-
Vas-y saute ! Tu vas la chercher cette
banane ?
-
Ooh lâchez moi, c’est haut là… Et puis les
voisins ne vont peut-être pas être d’accord.
-
Les voisins ? Moi je les connais, je crois
que c’est des cons !
Toute l’histoire de l’humanité se
résumerait presque à çà. Plongé dans l’inconnu, angoissé et apeuré, confronté à
l’autre, on fantasme et puis on se met à croire parce qu’on aurait bien besoin
d’une petite histoire pour se rassurer… Dans certain cas, il faut bien
l’avouer, on croit pour conjurer le sort, pour maîtriser sa peur : « si
je ne compte pas jusqu’à trois, je vais rater la banane… » C’est ainsi
qu’à cause d’un fruit, parfois défendu, naissent les cultes et les religions,
pour éloigner la peur de la chute…
Mais au-delà là de la croyance
vient la certitude… Quand face à la porte close, affrontant ses incertitudes,
le cherchant se met à croire ; il envisage les possibilités qui, selon
lui, prennent place éventuellement derrière le passage fermé. Mais une fois la
porte effectivement ouverte, il contemple la vérité, il vérifie et installe la
certitude rationnelle. Ainsi, l’ouverture de la porte permet-elle de saisir
l’enchaînement incertitude-croyance-certitude rationnelle. La croyance est une
zone de passage, un espace flou entre ce qui est incertain et certain. Elle naît
du doute, pour s’éteindre avec la vérification qui favorise la venue de la
certitude rationnelle. Mais il est des certitudes irrationnelles, s’appuyant
alors sur une pseudo-vérité, donc invérifiée, elle demeure soumise à la
croyance. Une conviction puissante dans une croyance, génère de la foi. La foi
en une notion invérifiée, donc irrationnelle, signifie un abandon au moins
partiel de l’esprit critique.
Mais revenons à notre porte,
cette dernière est désormais ouverte, on peut embrasser la vérité sous tous ses
aspects. On inspecte ainsi le lieu dévoilé, on détaille ce qui y prend place.
L’observation nourrit la vérification, l’établissement de la vérité, la raison
s’impose, la démarche scientifique domine… Mais une radiographie complète et
parfaite de la vérité est elle possible, accessible à chacun d’entre
nous ? La certitude peut-elle être absolue ?
La porte passée, je ne peux
contempler que ce que mes sens détectent, sont-ils seulement fiables avec mes
binocles et une oreille d’onaniste ? D’autres voient mieux que moi,
saisissent les sons à merveille… Mais entendent-ils les ultrasons, aperçoivent-ils
l’infrarouge ou l’ultraviolet ? Envisagent-ils la structure de la matière,
sentent-ils les forces maintenant l’univers à
notre échelle ? Non… Notre cerveau est équipé de sondes permettant
de détecter certaines fréquences, dont la somme nous rend une image très
imparfaite, et absolument incomplète de la réalité, une image du monde en mode
dégradé donc. Et puis qui nous certifie que nos sens ne nous abusent pas à
l’instar de l’avertissement de Descartes, pour qui la méfiance, le doute
seraient les seuls outils propres à révéler une photographie à peu prêt fidèle
de la réalité. Mais même une photo, n’est pas la réalité, c’est un instantané,
une vile copie de la vérité. Et il n’aura pas fallu attendre Nicéphore Niepce
pour s’en convaincre.
Les Indiens parlent de maia c’est-à-dire d’illusion pour décrire
le monde, rejoignant en cela, les grecs et en particulier Platon, qui dans son
allégorie de la caverne invite les « cherchants » à se découpler
d’une fausse réalité, symbolisée par des ombres projetées sur un mur pariétal. Il
faut sortir du trou ! La vérité est au dehors ! Et si nous vivions
dans un songe ? Si tout ce que nous sentons et voyons nous trompent, si
nous vivons à côté du réel, alors nous passons notre temps à croire !
Vivre dans l’incertitude nourrit les croyances, force à l’extrapolation, en
somme on se vautre dans le fantasme. Terrifiant et pathétique, notre vénérable
ancêtre se gratte le ciboulot, se demandant si la banane appétissante qui
pendouille de l’autre côté est bien réelle. Panique à bord ! Si l’humanité
se perdait dans le doute, paralysée, elle s’éteindrait si elle ne croyait pas
en ses desseins.
« Laissez moi sauter et attraper cette banane, moi j’y
crois à ce projet, laissez moi tranquille avec vos cortex
tourmentés ! »
Lémurien ou cadre stressé,
mystique, athée ou même sceptique, qui que tu sois, tu crois. Même celui qui
dit ne croire en rien, porte en lui ses croyances, parce qu’il ne peut que
négocier avec une réalité qui n’est qu’apparences. On vit donc dans un monde de croyants,
plaquant de ci de là leurs absolus, ses certitudes irrationnelles, allant de sa
théorie pour expliquer où va le monde, se
perdant en causeries avec des « si j’étais président… », ou en
s’affirmant avec des « je crois » déguisés en « je pense ».
La raison ne gouverne pas toujours, et en fait, presque jamais si on considère l’histoire.
La pensée est donc au centre d’un triangle pour qui l’incertitude, la croyance
et la certitude tiendraient lieu de sommets. La pensée oscille normalement
entre ces trois points, son mouvement générant du doute, et des décisions afin
de ne pas se figer.
Le dogme a justement pour but de
figer une croyance en la muant en certitude irrationnelle. Il prétend à la
vérité en repoussant toute contradiction ; la croyance est dans ce cas un
outil de pouvoir, souvent totalitaire. Totalitaire parce que la croyance est
intime, puisque part fondamentale de l’homme ; contrôler la croyance,
c’est simplement reprogrammer le logiciel de nos esprits. Système organisé, la
religion s’appuie sur la croyance, pour
mieux s’imposer. Enfin plus exactement ses organisateurs s’imposent, prétextant
que Dieu les aurait choisis pour nous conduire, et qu’ils seraient les seuls à
comprendre ses desseins. Propriétaires de la vérité, ces gentils organisateurs
nous maintiennent, quand ils le peuvent, dans un espace où la raison est
souvent en vacance. Des politiciens comme l’Empereur Constantin ou le Calife
Othman confisquèrent ainsi une croyance pour consolider leurs empires…
Un maître à penser dominateur, le
guru, aura à cœur d’interrompre le cycle triangulaire entre incertitude,
croyance et certitude, pour le réduire à un aller-retour binaire entre croyance
et certitude. L’absence du doute éradique le penchant naturel à la
vérification, il n’y a dès lors plus de place pour la certitude rationnelle, on
ne cherche plus, on a déjà trouvé pour nous, le travail est inutile, plus
besoin de courage, l’effort ne sert que ceux qui pensent pour nous. A
l’inverse, le mystique, le curieux ou le courageux, explore les mystères, il se
fatigue, il est assidu dans sa quête… Il suit son chemin, en direction de sa
vérité, et accepte dans l’humilité l’incertitude. Pour suivre son cap il croit
aussi. Il s’arme de sa foi, il doit avoir confiance pour avancer.
Après avoir ouvert et dépasser la
porte, le cherchant conscient des pièges
tendus par son esprit séduit par l’illusion, s’interroge. Est-ce que tout cela
est bien vrai ? Que croire ? Qui croire ? L’exercice de
vérification complète le processus d’étude, le travail de progression. Il
s’agit d’une collecte visant à enrichir l’expérience personnelle, alimentant le
voyageur pour son prochain départ en direction de la porte suivante. Se faisant,
baigné d’incertitude, il s’appuie sur ses croyances, et ses certitudes rationnellement
établies grâce à l’observation. Cependant, il sait que ce qui est vrai de ce
côté ci de la porte, ne l’est peut-être pas au-delà. « Hén oȋda hóti oudèn oȋda, je ne sais
qu’une chose : c’est que je ne sais rien ». Cette phrase de Socrate
résume l’état d’esprit du sage, face au règne de l’incertitude.
Ce règne est sans cesse renouvelé.
Il connait un aboutissement scientifique, comme si la raison démontrait ses
limites face à l’irrationnel. Ainsi la mécanique quantique, expliquant le
fonctionnement de la nature à une échelle atomique et subatomique, n’est fondée
que sur des probabilités. Rien n’est sûr donc, et cela faisait bondir Einstein
qui aurait reproché à son alter égo et physicien quantique, Niels Bohr, que « Dieu
ne saurait jouer aux dés ». Ainsi, pour notre ancêtre arboricole,
l’application de la physique quantique à une banane signifierait que cette
dernière n’est peut-être pas là où elle semble être, où bien qu’elle n’existe
pas, et même qu’elle pourrait être en deux endroits différents et simultanément !
C’est le principe d’incertitude… A cela on doit ajouter, que le simple fait
d’observer la banane peut modifier sa position dans l’univers, et l’univers
lui-même… Cette fois notre quadrumane s’arrache les poils, en se dénudant il
deviendra humain.
Si l’univers ne peut être compris
que sous l’angle de calculs probabilistes, alors la croyance est bien la
maîtresse absolue de notre existence. La mécanique quantique, Descartes,
Platon, les Hindous et leur maïa, on ne peut s’appuyer sur rien de durablement
tangible, tout change, rien ne demeure, la vérité est comme une
savonnette, insaisissable et assassine
quand on marche dessus… Croire devient donc une nécessité, si on sait que
repousser les limites de la connaissance, ne nous permettra jamais de cerner le
principe organisateur de la création, parce qu’il est par définition
incommensurable, donc invérifiable. Cette petitesse de l’homme au regard de cette
constatation, nous replace dans notre quête. Si concrètement, rien n’est
vraiment fiable, si la seule raison qui prévaut est celle de calculer des
possibilités, il n’y aurait que l’abstraction, que les concepts pour nous aider
à progresser de porte en porte, et à trouver notre point d’horizon.
Ces outils aident le cherchant à
ne pas se fourvoyer au milieu du tohu-bohu. Comme nous sommes a priori perdus
dans l’incertitude, la croyance en des valeurs devient incontournable. Ne pas croire, signifierait
baisser les bras et rester là, balloter par les flots des événements :
« je veux cette banane, et quand bien même on me singera dans ma chute, je
crois en moi, je suis un primate et mon job c’est de sauter d’arbre en arbre,
comme le disait papa, on est comme çà dans la famille, on a des valeurs. Donc
je saute. »
Donc il est bon de le
répéter : Colobe athée ou macaque religieux, tu crois en quelque chose, ce
quelque chose organise ta vie, et sert de digue contre le sentiment de solitude
et d’insignifiance face à l’univers. Les valeurs sont porteuses de symboles, de
clefs, de passe-partout permettant de faire sauter les verrous, qui dans nos
cervelles comme dans nos trippes, sont autant de prises auxquelles l’incertitude s’accrochent. Quand on est
abusé, qu’on s’égare, c’est le mal qui est à l’œuvre, l’illusion brouille les
pistes, on rejoint les sentiers de la perdition… Satan est un symbole, il
personnifie ce mal qui siège en chacun, et qui nous installe immanquablement au
milieu du miroir aux alouettes. Le diable, c’est celui qui divise, qui détruit,
qui amène à la confusion… Encore une fois, Il ne s’agit que d’un symbole. Ne
pas croire qu’on peut se perdre, c’est déjà être perdu, ne pas croire au diable
n’est qu’une affaire de convention, de même que croire en Dieu, ou pas.
Croire. Croire c’est souvent ne
pas croire, car on ne croit pas comme les autres ; et ne pas croire, c’est
croire autre chose. Croire avoir raison, c’est ne pas chercher à croire par
ailleurs, car ailleurs on ne connait rien, ailleurs c’est chez les autres, chez
les étrangers, et qu’à l’étranger on ne comprend rien ni personne… Croire en sa
vérité, en une vérité imposée parfois par d’autres, mais croire en définitive
est très personnel. Comment croire qu’en chacun cesserait le cycle mental de
l’incertitude, de la croyance, et de la certitude… Il est inhérent au
fonctionnement humain de douter, de croire, ou de certifier un phénomène par
une preuve. Qui est humain croit. Djalāl ad-Dīn Muḥammad Rūmī
fondateur de l’ordre soufi des derviches tourneurs disait : « La vérité est un miroir tombé
de la main de Dieu et qui s'est brisé. Chacun en ramasse un fragment et dit que
toute la vérité s'y trouve ». Les Soufis partagent beaucoup des
valeurs universelles ; ils sont humanistes. Ces mystiques musulmans,
pensent que Dieu se cache derrière chaque chose, en chacun. L’extase, la transe
ou la béatitude permettrait d’entrevoir une part de Dieu, sa manifestation la
plus fondamentale : l’Amour.
La tolérance envers les croyances de chacun est au cœur de la
démarche du cherchant. Puisque l’expérience nourrit les progrès de l’individu,
rejeter les autres le priverait d’éléments précieux qui pourraient enrichir sa
quête. Face à l’incertitude, il est fondamental de croire que nous ne sommes
pas seuls, l’humanité est notre famille. Les histoires de famille sont parfois
violentes, mais le respect des croyances éloigne souvent l’intolérance brutale.
On gagne à se soutenir les uns les autres face à l’incertitude, donc être dans
l’invitation plutôt que dans le rejet, c’est ce que la sagesse préconise comme
dans ces vers de Rumi :
« Qui que tu sois, viens.
Même si tu es un infidèle, un païen voire un
adorateur du feu, viens.
Notre fraternité n'est pas celle du
désespoir
Quand bien même aurais-tu brisé tes vœux
de repentir cent fois, viens. »